Colruyt, le plus grand pollueur du canal de Bruxelles

Pendant deux mois et demi, nous avons analysé qui sont les plus grands pollueurs du canal de Bruxelles. Parmi les 2 000 déchets que nous avons récupérés avec nos kayaks dans l’eau, Colruyt, une entreprise belge par excellence, est arrivée en tête en tant que producteur de la plus grande quantité d’articles. Colruyt est suivi de près par Coca-Cola et Alma, les mêmes trois entreprises qui occupaient le podium lors de notre recensement de marques (brand audit) en 2020, à la différence que Colruyt a détrôné Coca-Cola pour prendre la première place.

La pollution plastique atteint des proportions dramatiques de nos jours et affecte toutes les formes de vie sur Terre. Les recensements de marques sont très utiles pour mettre en évidence les causes structurelles de la pollution plastique, à savoir que les entreprises sont responsables de la production de quantités excessives et incontrôlables de déchets d’emballages à usage unique.

Nous, chez Canal It Up, nous ne considérons pas la collecte des déchets dans l’eau comme une fin en soi. Si nous ne continuons pas à chercher des solutions structurelles pour diminuer la pollution plastique, nous pourrions continuer à ramasser des déchets pendant des années sans voir la moindre différence. C’est pour cette raison qu’il est important de déterminer l’origine des déchets et les entreprises qui en sont les producteurs.

Les produits/marques les plus identifiés de Colruyt sont Everyday (54), Carapils (21) et Boni (6). Cependant, nous devons tenir compte du fait qu’une partie des autres articles récupérés et fabriqués par d’autres producteurs pourraient également avoir été achetés chez Colruyt. Pour ces produits Colruyt n’est donc pas le fabricant, mais plutôt un distributeur, et est donc partiellement responsable du fait que ces articles aussi finissent comme déchets sauvages. De plus, Colruyt est connu pour être un supermarché où tous les produits sont emballés trois fois avec du film plastique afin d’être vendus en plus grandes quantités. Cependant, ces films plastiques ne peuvent pas être attribués à ce supermarché car ils ne portent pas de marques.

Coca-Cola, qui occupe la deuxième place de notre liste, est classé numéro un depuis cinq ans dans le recensement mondial de marques de Break Free From Plastic, ce qui en fait le plus grand pollueur plastique au monde. Peu importe où vous réalisez un recensement de marque, Coca-Cola se retrouve toujours en tête en tant que plus grand pollueur. Nous avons donc été surpris de constater que Colruyt dépasse Coca-Cola cette fois-ci à Bruxelles. Les marques Coca-Cola les plus identifiées sont Coca-Cola lui-même (42), Chaudfontaine (8) et Fanta (10).

Les articles récupérés d’Alma sont presque à 100% des bouteilles d’eau Cristaline. Et parmi toutes les bouteilles en plastique repêchées, 58 % sont des bouteilles d’eau (dont la moitié sont des Cristaline). Alors que nous communiquons avec peu de moyens sur l’eau du robinet et les bouteilles réutilisables, les supermarchés et les fabricants déploient de multiples moyens pour promouvoir l’eau en bouteilles plastiques, car c’est tellement pratique et délicieux. Pourquoi extraire du pétrole du sol, le transporter, le transformer en bouteilles en plastique, puis pomper de l’eau pour les remplir, les transporter jusqu’au magasin et les ramener chez soi, alors que la même eau peut simplement sortir du robinet sans aucun déchet d’emballage ni de pétrole associé ?

Depuis des décennies, le public est conditionné à croire que le problème de la pollution plastique est causé par notre comportement indiscipliné et par l’échec des gouvernements à mettre en place des systèmes de gestion des déchets efficaces. Les Belges ne sont pas réputés pour être moins disciplinés que les autres habitants de la Terre, et il semble même que nous sommes parmi les meilleurs au monde en matière de gestion des déchets. Pourtant, nos cours d’eau sont quotidiennement envahis de déchets d’emballages plastiques qui finissent dans la mer.

La majeure partie des déchets dans le canal de Bruxelles y est emportée par le vent. Les rues sales se traduisent par des cours d’eau pollués. En observant les rues, vous pouvez déjà savoir si les cours d’eau environnants sont propres ou non. Partout où vous allez, vous êtes submergé par les déchets d’emballages à usage unique. Pendant cette période estivale, nous sommes bombardés par la publicité de rue qui promeut des boissons et l’eau en emballages à usage unique, et les supermarchés ne proposent presque que des emballages à usage unique. Ni une population bien éduquée, ni un système de gestion des déchets efficace ne peut lutter contre cette situation. La société est submergée par les déchets d’emballages.

Les supermarchés et les fabricants ont un rôle crucial à jouer dans la transition vers des emballages réutilisables, seule manière réaliste de résoudre la crise des déchets plastiques et de lutter contre le changement climatique. Mais il n’y a aucune indication en ce sens. Au contraire, depuis des décennies, l’accent est mis sur le traitement des déchets et le recyclage, la faute est rejetée sur le consommateur grâce à des campagnes sournoises et à des opérations de nettoyage, et l’industrie s’oppose aux mesures environnementales telles que l’introduction d’une consigne sur les emballages et, plus récemment, à l’augmentation des taux de réutilisation au niveau européen. Tout cela alors que la production de plastique pour les emballages à usage unique continue d’augmenter chaque année et que les promesses des fabricants se révèlent toujours vides.

Plus que jamais, les gouvernements doivent tenir les entreprises polluantes responsables de leurs actions. Les entreprises doivent rendre public leur empreinte plastique complète, réduire leur production et leur utilisation de plastique, réinventer leurs emballages pour les rendre réutilisables ou exempts de plastique, et changer leur système de livraison pour passer à des systèmes de recharge et de réutilisation.

Un bel exemple de mesures environnementales prises est l’absence totale de bouteilles en plastique dans les audits de marque réalisés au Danemark, grâce au système de consigne qui maintient ces bouteilles hors de la nature. Ou encore la diminution de 30 200 sacs plastiques collectés lors du recensement national de marque en Tanzanie en 2018, à seulement 203 sacs plastiques en 2020 grâce à l’interdiction des sacs plastiques en 2019.

D'autres résultats du recensement de marques

La quatrième place est occupée par les boissons Capri-Sun, également distribués par Coca-Cola. Ces emballages de boissons, sont retrouvés en abondance dans le canal depuis la création de Canal It Up, de surcroît ils ne sont pas du tout recyclables

Les articles les plus fréquemment retrouvés dans l’eau sont les bouteilles en plastique (15%), les canettes (11%), les morceaux de polystyrène (10%), les sacs plastiques (9%), les emballages de collations et biscuits (9%) et les emballages de bonbons (5%).

La norme actuelle consiste en des rayons de supermarchés remplis d’emballages à usage unique, tout comme la publicité qui présente des produits dans des emballages à usage unique. Lorsque les consommateurs sont constamment confrontés à cette norme, autorisée par le gouvernement, il est difficile d’attendre d’eux qu’ils passent à des alternatives plus respectueuses de l’environnement. Cette norme doit être remise en question pour en créer une nouvelle : une norme avec des emballages réutilisables et des systèmes permettant la réutilisation et la recharge. Ce n’est que comme ça que nous pourrons résoudre efficacement la crise du plastique.