Colruyt, Coca-cola et Cristaline sont à nouveau les plus gros pollueurs du canal de Bruxelles

Ces dernières semaines, les images de déchets sauvages sur les plages belges ont fait l’objet d’une vive agitation. Sans vraiment savoir ce qui s’était réellement passé ni de quel type de déchets il s’agissait, il a rapidement été conclu que les baigneurs n’avaient toujours pas compris le message et qu’il fallait plus de répression, d’amendes et de poubelles. Mais cette discussion passe à côté d’un point essentiel, un aspect que les audits de marque dénoncent. Pour la troisième fois avec City to Ocean, nous avons, pendant deux mois et demi, analysé les types de déchets qui flottent dans le canal de Bruxelles et identifié leurs producteurs. Nous avons découvert que les entreprises les plus pollueuses sont toujours les mêmes.

De début juin à la mi-août, nous avons analysé les 3 500 déchets que les volontaires ont pêchés lors notre activité de kayak. Nous avons pu identifier un producteur pour la moitié de tous ces articles. Il s’avère que pour la troisième fois consécutive, les plus gros pollueurs du canal de Bruxelles sont les trois mêmes entreprises : Colruyt, Coca-Cola et Cristaline (Alma). Chacune d’elles a déjà occupé la première place de ce podium : Coca-cola en 2020, Colruyt en 2023 et Cristaline (Alma) en 2024.

Colruyt atteint ce top trois avec ses marques maison Everyday (82 pc), Boni (30 pc) et Carapils (11 pc). Pour Coca-Cola, nous avons trouvé Coca-Cola (66 pc), Fanta (28 pc), Maaza (6 pc), Tropico (5 pc), Powerade (4 pc), Aquarius (3 pc) et quelques autres marques en plus petit nombre. Tandis qu’Alma atteint la première place presque exclusivement avec un produit, les bouteilles d’eau en plastique Cristaline. Nous avons trouvé des bouteilles de Cristaline lors de toutes les sorties en kayak à une exception près, et les marques Colruyt et Coca-Cola 9 fois sur 10.

Pas d’amélioration de Colruyt après leur première place en 2023

Les audits de marque servent à identifier les grands pollueurs, à pointer leur responsabilité dans le problème des déchets sauvages et à provoquer un changement de comportement au sein de ces entreprises.

Les résultats de l’année dernière ont conduit à un débat autour de la chaîne de supermarchés Colruyt. Lors de ce débat, il est également apparu que Colruyt, dans un seul magasin, proposait 171 types de produits différents doublement emballés dans du plastique afin d’augmenter les ventes grâce aux multipacks. Nous avons donc commencé à discuter avec eux et, dans un même temps, nous avons mis en place la campagne End Double Packaging grâce à laquelle les consommateurs peuvent signaler un double emballage sur le site web de Fost Plus.

En mars 2024, nous avons reçu une réponse écrite de Colruyt dans laquelle ils déclarent qu’ils s’efforcent de réduire les emballages autant que possible, qu’ils visent à rendre 100 % des emballages de leurs propres marques réutilisables ou recyclables d’ici 2025 et tous les emballages dans tous les magasins réutilisables ou recyclables d’ici 2030. Mais cet objectif ne les contraint pas à réduire l’utilisation des doubles emballages en plastique étant donné qu’ils sont recyclables.

La communication de Colruyt est similaire à celle d’autres grandes entreprises. Le recyclage et la recyclabilité sont mis en avant, alors que cela n’a aucun impact sur les déchets sauvages. Les emballages recyclables finissent dans la nature tout autant que les emballages non-recyclables. Un an après leur première place dans la liste des plus grands pollueurs, on ne remarque donc aucune différence. Nous trouvons toujours autant d’emballages de Colruyt dans le canal, il y a toujours autant de doubles emballages dans les rayons, il n’y a toujours pas de coopération pour instaurer la consigne physique et aucun projet pilote sérieux pour de la vente en vrac.

Contrairement à AH Delhaize qui a lancé l’initiative AH Verpakkingsvrij dans ses magasins XL Albert Heijn aux Pays-Bas. 70 produits différents, tels que les céréales de petit-déjeuner, les noix, les snacks, les pâtes et le riz sont vendus sans emballage par l’intermédiaire de distributeurs qui contrôlent les dates d’expiration et la qualité des produits. C’est un projet que Carrefour a également lancé chez nos voisins du sud en France. Aujourd’hui, il est clair que cela représente l’avenir, mais Colruyt n’est clairement pas prêt pour cela

Le consommateur est constamment mené en bateau

Avec Colruyt, Lidl et Aldi, trois supermarchés figurent dans le top 20. Les supermarchés ont un double impact sur les déchets sauvages : d’une part avec leurs propres marques et d’autre part avec tous les autres produits qu’ils vendent dans leurs magasins. Les supermarchés doivent adapter leurs modèles commerciaux et s’éloigner des emballages à usage unique.

Pourtant, c’est une idée qui ne semble pas encore avoir fait son chemin puisque dans le monde entier, 400 milliards de dollars sont investis dans de nouvelles usines de plastique, tel que le Project One d’Ineos à Anvers. La production de plastique va donc doubler au cours des 20 prochaines années. Si nous avons déjà un problème de déchets sauvages aujourd’hui, il va empirer à l’avenir, indépendamment de ce que les entreprises prétendent à propos de leurs objectifs de recyclage. Dans le monde, 11 à 12 milliards de dollars de profit sont générés par le commerce illégal de déchets recyclables vers les pays pauvres. Là-bas, les plastiques ne sont pas recyclés. Ils sont brûlés illégalement, ils alimentent des fours à ciment et des centrales électriques, ou ils finissent tout simplement dans l’environnement. Ainsi, même ceux d’entre nous qui trient correctement contribuent à la pollution de l’environnement.

Pour contrer la communication mensongère, certaines entreprises sont poursuivies en justice. En 2023, Pepsico a été poursuivi aux États-Unis pour avoir trompé les consommateurs sur ses objectifs de suppression des plastiques à usage unique et pour avoir mis en danger l’environnement. En Europe, Danone a également été poursuivi en justice en France en 2023, et Coca-Cola, Nestlé et Danone ont été collectivement accusés de tromper les consommateurs de l’UE avec des affirmations telles que « 100 % recyclé » et « 100 % recyclable » sur leurs produits. En Europe, seulement 50 % des bouteilles en plastique sont recyclées, et seulement 30 % sont réutilisées pour fabriquer de nouvelles bouteilles en plastique. Le plastique ne peut tout simplement pas être recyclé à l’infini. Ces affirmations trompeuses sur les emballages devraient être remplacées par un avertissement indiquant que l’emballage peut être nocif pour l’homme et l’environnement afin d’aider les consommateurs à faire des choix écologiques sans être trompés.

Coca-Cola, Pepsico, Mondelez et Mars, respectivement numéro 3, 5, 6 et 7 dans notre audit de marque, sont également dans le top 10 mondial de l’audit de marque Break Free From Plastic 2023. Coca-Cola est numéro 1 depuis 6 ans. Qu’il s’agisse de pays riches ou pauvres, de pays avec ou sans traitement des déchets, ce sont les mêmes entreprises qui polluent dans le monde entier. Les entreprises de biens de consommation sont les plus grands clients des sociétés de combustibles fossiles qui produisent des plastiques. En changeant leur modèle commercial pour qu’il ne repose plus sur les emballages à usage unique, ils peuvent avoir un impact positif énorme sur le climat, la biodiversité, la santé humaine et le bien-être des communautés dans le monde entier.

Quels types de déchets polluent le canal de Bruxelles ?

La plupart des déchets pêchés sont des bouteilles en plastique (402 pc), suivies par les emballages de snack comme Mars, Twix et autres (366 pc), les canettes (329 pc), les sacs en plastique (316 pc) et du matériel pour fumer comme des mégots, des paquets de cigarettes et des briquets (209 pc). Le top 15 des éléments pêchés est donc constitué de produits consommés à l’extérieur, et tous sont des emballages ou des produits à usage unique.

Les bouteilles en plastique (11%), les canettes (9 %) et les bouchons (%) ainsi que les étiquettes des bouteilles en plastique (3%) représentent ensemble 27% des articles pêchés. La consigne aurait pu empêcher ces objets de se retrouver dans la nature il y a des années. Le fait que nous en trouvons encore en abondance est la conséquence directe d’une politique gouvernementale manquante, et de l’opposition des entreprises. Même aujourd’hui, en pleine formation des gouvernements, on ne sait toujours pas si la consigne sera introduite ou si les entreprises feront obstacle avec leur proposition de consigne numérique. Pourtant, il existe de nombreux exemples de réussite de consignes physiques dans les pays voisins.

Les bouteilles en plastique (11%), les canettes (9 %) et les bouchons (%) ainsi que les étiquettes des bouteilles en plastique (3%) représentent ensemble 27% des articles pêchés. La consigne aurait pu empêcher ces objets de se retrouver dans la nature il y a des années. Le fait que nous en trouvons encore en abondance est la conséquence directe d’une politique gouvernementale manquante, et de l’opposition des entreprises. Même aujourd’hui, en pleine formation des gouvernements, on ne sait toujours pas si la consigne sera introduite ou si les entreprises feront obstacle avec leur proposition de consigne numérique. Pourtant, il existe de nombreux exemples de réussite de consignes physiques dans les pays voisins.

En-dehors de ce top 15, nous trouvons à la 19ème place des bouteilles en verre (42 pièces). Qu’il s’agisse de bouteilles de bière ou d’alcool fort, il est frappant de constater que 41 de ces bouteilles n’étaient pas consignées. Bien que la consigne sur les bouteilles de bière belges ne soit que de 10 cents, nous constatons l’effet positif dans les chiffres des déchets sauvages. Les bouteilles de bière que nous avons trouvées étaient des bouteilles Heineken non-consignées. Une preuve claire pour indiquer l’importance d’instaurer la consigne aussi sur les bières étrangères.

Les sacs en plastique (9%) sont le 4ème article le plus souvent trouvé dans l’eau, comme en 2023. Ce sont tous des sacs à usage unique, blancs et sans marque. Pourtant, les sacs en plastique sont interdits à Bruxelles et en Wallonie depuis 2017. Il est frappant de constater que tous ces sacs affichent du texte en vert et des logos pour convaincre le consommateur qu’ils sont recyclables et ne nuisent pas à l’environnement. L’inscription la plus frappante que nous avons trouvée était : ‘Planet safe plastic’. De plus, nous avons découvert les stratégies qui permettent de contourner l’interdiction en place. Les sacs sont maintenant soit plus épais, au moins 50µ, pour pouvoir passer réutilisables, soit ils sont déclarés biodégradables (ce qu’ils ne sont que dans certaines conditions). Il est clair que l’interdiction introduite est imparfaite. Les sacs en plastique finissent toujours dans la mer, entre autres via nos rivières, où ils amènent du plastique en plus grande quantité vu leur épaisseur accrue.

Autres chiffres marquants

66% des bouteilles en plastique sont des bouteilles d’eau, dont 43% des bouteilles Cristaline. Alors que l’eau, elle, coule sans emballage de chaque robinet.

Nous avons trouvé 99 gobelets en plastique et 84 gobelets en papier jetables (qui contiennent aussi un film plastique), ce qui les place aux 11e et 14e places de notre audit. Une politique gouvernementale est également nécessaire à cet égard. Nous pourrions nous inspirer du gouvernement écossais qui a lancé plusieurs projets pilotes pour passer aux gobelets réutilisables à emporter.

La grande majorité des sachets de boisson collectés (99 sur 112) proviennent de Caprisun, un emballage non-recyclable pour la consommation en extérieur qui se retrouve facilement dans l’environnement. Si on introduisait la consigne, ce type d’emballage ne pourrait pas être inclus. Un tel emballage doit tout simplement être interdit.

Que faut-il faire ?

Le débat des dernières semaines sur les déchets sauvages de la côte belge amène à des solutions telles que l’augmentation du nombre de poubelles, de contrôles et d’amendes. Bref, il n’y a qu’un seul facteur problématique et c’est le consommateur qui doit arrêter de polluer l’environnement. C’est d’ailleurs la rhétorique depuis des décennies, alors que les déchets sauvages et la production de plastique ne cesse d’augmenter, et que de plus en plus de produits sont vendus dans des emballages à usage unique. Vers où allons-nous sans intervention ?

Il appartient au gouvernement d’agir enfin de manière décisive avec des solutions structurelles qui ont un effet réel :

  • 27 % des déchets sauvages : Introduire la consigne physique de 25 cents sur les canettes et les bouteilles en plastique
  • 9% des déchets sauvages : Renforcer l’interdiction des sacs en plastique et combler les lacunes.
  • 5% des déchets sauvages: Interdire les gobelets en plastique et en carton à usage unique. Mise en place d’un système de gobelets réutilisables à emporter
  • 3% des déchets sauvages : Interdire les sachets de boisson comme Caprisun
  • 1% des déchets sauvages : Introduire la consigne sur toutes les bouteilles en verre, y compris la bière étrangère

 Au total, ces solutions permettraient de prévenir 45 % des déchets sauvages.

De façon plus générale, le gouvernement doit également :

  • Interdire les allégations trompeuses sur les produits
  • Interdire les messages publicitaires pour les produits dans des emballages à usage unique
  • Imposer des quotas d’emballages réutilisables pour les producteurs et les supermarchés

Les entreprises devraient également être tenues responsables :

  • Obligation de divulguer leur empreinte totale en plastique et en matières premières
  • Réduire leur utilisation de plastique et de matières premières
  • Réinventer les emballages pour qu’ils soient réutilisables ou ne contiennent pas de plastique
  • Adapter leur modèle commercial et leurs systèmes de livraison pour passer progressivement à des solutions rechargeables et réutilisables accessibles à tous

Ce n’est qu’ainsi que nous pourrons vraiment obtenir des plages, des parcs, des cours d’eau, des forêts et des océans sans déchets sauvages. Nous devons complètement inverser la norme actuelle d’une société de consommation linéaire et jetable pour passer à une société circulaire de réutilisation où chaque emballage a une valeur et plusieurs vies. Il est temps de briser le mythe du recyclage.

Nous appelons toutes les parties prenantes des différentes formations gouvernementales à faire des déchets sauvages et des solutions structurelles réelles une priorité.