Notre audition au parlement Bruxellois en faveur de la consigne et plus d'emballages réutilisables

Notre audition au parlement bruxellois a eu lieu le 18 janvier 2023. Ce fut un débat constructif concernant le système de consigne et la nécessité d’avoir plus d’emballages réutilisables. En 2022, nous avons recueilli 15.700 signatures, dont 5.700 à Bruxelles, pour pouvoir nous exprimer sur le thème au parlement. Nous avons également écrit notre message dans une lettre ouverte signée par 10 organisations.

Alors que nous avons déposé notre pétition au Parlement bruxellois le 1er juillet 2022, notre audition n’a eu lieu que le 18 janvier 2023. Mais le moment ne pouvait pas mieux tomber. Le gouvernement flamand a décidé le 23 décembre 2022 d’introduire une consigne sur les canettes et les bouteilles en plastique d’ici 2025 et de donner la priorité à la proposition de l’industrie d’introduire un système de scan ou consigne digitale. Ils ont obtenu une année supplémentaire pour démontrer que leur proposition fonctionne. Cela a été décidé deux mois après notre audition au Parlement flamand. Notre audition à Bruxelles était donc différente de l’audition flamande et s’est fortement concentrée sur le choix flamand de donner la priorité au système de scan. Ce système n’a jamais été testé nulle part, exclut une grande partie de la population, pose des problèmes de confidentialité et n’a été créé que pour préserver les intérêts de l’industrie. Nous avons écrit notre message dans la Lettre ouverte ci-dessous et l’avons envoyé aux cabinets de l’Environnement en Flandre, en Wallonie et à Bruxelles.

Regardez ici l’audition complète avec réponses des membres du parlement. L’audition commence à 1h21min dans la vidéo.

La Lettre ouverte:

Pourquoi l’industrie dispose-t-elle depuis 60 ans déjà d’un permis pour transformer notre planète en décharge ? 

18/01/2023

Les Belges trébuchent sur des déchets sauvages, devant leur porte, dans un parc ou sur la place. Le problème perdure depuis des décennies mais cela changera-t-il bientôt ? En 2022, il y a eu pas mal de débats autour de la question de la consigne. L’industrie a fait volte-face, 15.000 signatures ont été récoltée pour une pétition en faveur de ce système, les parlements flamands et wallons ont tenu des auditions sur le sujet et le gouvernement flamand a octroyé à l’industrie une année supplémentaire pour mener une expérience avec un système de consigne digitale complexe et jamais implémenté ailleurs dans le monde.

Pendant des années, Fost Plus, Comeos et Fevia ont lutté avec acharnement contre toute forme de consigne. Ils sont donc responsables des tonnes de déchets sauvages qui se sont accumulées depuis. En 2022, ils se sont finalement rendu compte que leur position était intenable, que la consigne est un succès dans la lutte contre les déchets sauvages partout où elle est introduite, et que même nos voisins s’y sont mis puisque les Pays-Bas l’ont récemment instaurée. C’est pourquoi l’industrie a pondu une nouvelle idée – celle de la consigne digitale. Un système encore inexistant, qui n’a jamais été testé et qui ne tient pas la route. Encore une fois, ils tentent leur chance, leur dernière chance. Et oui, même en 2022, c’est encore l’industrie qui gagne. Alors que tous leurs autres projets pilotes pour réduire le volume de déchets sauvages se sont soldés par un échec, comme par exemple le Click, le gouvernement flamand leur accorde un nouveau sursis pour… un nouveau projet pilote.

C’est la même industrie qui, dans les années 60, a créé cette culture du jetable en remplaçant les emballages réutilisables par des emaballages à usage unique. Bien plus pratique et lucratif. Déjà à cette époque, on a vu émerger le problème des déchets sauvages et la même question s’est posée : qui doit le résoudre ? Aux États-Unis, beaucoup d’états proposèrent d’introduire une consigne sur les emballages jetables. L’industrie ne resta pas les bras croisés, elle dépensa des millions dans le lobbying et les campagnes anti-consigne, et remporta la manche : un seul état introduisit alors le « bottle bill ». Le débat autour de la consigne existe donc depuis bien longtemps, 50 ans. Depuis, la vente de boisson en emballages jetables n’a cessé d’augmenter et, chaque année, les déchets sauvages polluent notre environnement, nos océans et même nos terres agricoles.

La décision du gouvernement flamand d’introduire la consigne sur les cannettes et bouteilles en plastique d’ici 2025 est fantastique. Tout le monde semble d’accord – c’est la solution à adopter. La nouveauté, c’est que l’industrie semble enfin l’admettre aussi et demande même d’établir la valeur des déchets à 20-25 cents. Là où le bât blesse, c’est que l’industrie a de nouveau remporté une manche car leur projet de consigne digitale obtient la priorité.

L’industrie prétend que son système digitale est la meilleure solution pour le consommateur car la plus facile d’utilisation. Il n’est pas de plus gros mensonge. La réelle raison pour laquelle elle a imaginé cette nouvelle ‘invention’ relève purement et simplement de l’intérêt personnel. Les supermarchés ne veulent pas que les emballages qu’ils vendent et ne revoient jamais soient retournés dans leurs magasins. Assumer leur responsabilité et coopérer pour une meilleure société serait trop demander. Alors que le débat autour de la consigne perdure depuis 10 ans et que son introduction a même été inscrite dans l’accord de gouvernement, Fost Plus s’entête à investir dans des centres de tri en partant du principe qu’ils continueront à recevoir les cannettes et les bouteilles. Si le flux venait à s’arrêter, ils feraient face à des ennuis financiers. L’intérêt personnel donc, et non la facilité d’utilisation pour les consommateurs. Ces derniers transbahutent déjà des emballages de boisson remplis et lourds, est-ce vraiment si compliqué de les ramener vides et légers au magasin ? Posez la question aux Hollandais, Allemands, Danois, Norvégiens, Suédois, Finlandais, Islandais, Estoniens et Croates. Sans mentionner le fait que les Belges rapportent d’ailleurs leurs bien plus lourdes vidanges de bières au magasin – sans froncer.

Fost Plus milite aussi pour la consigne digitale comme une solution qui s’appuie sur le succès du sac bleu dont ils n’arrêtent pas de vanter les mérites. Pourtant, à chaque fois que l’on met un pied dehors, on voit des déchets traîner alors que nous n’avons pas la même impression dans d’autres pays. La seule chose qu’ils peuvent affirmer, c’est que les Belges trient bien à la maison. Le sac bleu et le problème des déchets sauvages sont deux choses différentes. Nous trions nos déchets à la maison et dans quelques endroits comme les gares. Toutes les autres poubelles publiques ne sont pas triées, les cannettes et les bouteilles en plastique finissent directement à l’incinérateur. Et depuis peu, nous pouvons mettre encore plus de sortes de plastique dans le sac bleu, ce qui permet aux supermarchés et à l’industrie de surfer un peu plus longtemps sur la vague magique du recyclage au détriment des emballages réutilisables. Peut-on vraiment parler d’un succès ?

Aujourd’hui, Fost Plus propose de dédoubler les poubelles publiques pour permettre le tri – ils n’ont pas vraiment le choix car sans ce système, leur consigne digitale ne tient pas debout. Mais il s’agit là d’une proposition empoisonnée, semblable à la fausse solution d’élargir les autoroutes pour réduire les embouteillages. Combien de temps en aura-t-on besoin ? Selon Fost Plus, il faudra 5 ans pour installer les nouvelles poubelles, et c’est sans doute optimiste. Les cannettes et bouteilles continueront donc d’être brulées dans l’incinérateur, alors qu’avec un système de consigne classique, ces emballages seront triés automatiquement.

L’industrie a eu les mains libres pendant ces 60 dernières années pour transformer notre planète en décharge. Comment se fait-il qu’elle mène toujours la danse ? En proposant un système inexistant qui n’a jamais été testé, basé sur une étude qui a été tenue secrète jusqu’il y a quelques jours. Qui plus est, un système sensible à la fraude, qui menace la vie privée en récoltant quantité de données, qui contribue à l’exclusion digitale de certaines personnes. Un système qui a recours aux idées les plus folles telles que l’utilisation de l’intelligence artificielle pour déterminer si l’emballage scanné est bien vide, ou encore à la distribution de scanners pour scanner à la maison. Rien n’est trop fou pour maintenir le status quo.

L’heure d’un changement drastique n’a-t-elle pas sonné ? L’heure pour les politiciens, et non plus l’industrie, de décider comment organiser notre société ? L’heure d’introduire un système de consigne classique qui a fait ses preuves et de faire plus d’efforts pour jeter moins ? La consigne digitale nous éloigne des emballages utilisables, la consigne classique nous en rapproche. Si nous rapportons déjà les emballages au magasin, pourquoi n’en ferions-nous pas des emballages réutilisables ?

Si la Flandre persiste dans la voie de la consigne digitale en 2023, il n’y aura tout simplement pas de consigne d’ici 2025 – ni digitale, ni physique. Et c’est justement la stratégie utilisée par l’industrie durant toutes ces années – ralentir, postposer, retarder, différer – bref remettre à demain.

Signataires: Canal It Up, Greenpeace, Recycling Netwerk Benelux, Zwerfvuil.net, Grootouders voor het klimaat, Bond Beter Leefmilieu, Klimaan, Proper Strand Lopers, Collectif Consigne Bruxelloise, Gents Milieufront, Régine Florent.

Regardez également la vidéo que nous avons réalisée pour montrer que la proposition de l’industrie d’introduire une consigne digitale ne peut jamais fonctionner. Cela ne réduira pas les déchets sauvages d’une manière suffisante et préservera le statu quo.