Quelle mise en Senne !

Le lundi 30 mai 2022 restera à jamais gravé dans les annales de Canal It Up. Après un réveil bien matinal, notre petite équipe est rassemblée autour d’un trou, situé à quelques pas de la Gare du Midi sur un site de Vivaqua, et suit avec excitation les mouvements de la grue qui dépose nos quatre kayaks dans le courant d’une rivière. C’est notre point de départ pour une descente en kayak souterraine et inédite – celle de la Senne.
Le départ n’est pas simple. Il nous faut descendre plusieurs échelles, enjamber un mur, passer sur un zodiac, avant de s’installer dans les kayaks, retenus à bout de bras pour éviter que le courant ne les emporte. Un de nos duos prend l’e…, coule. On change les équipes – et puis 3, 2, 1 – c’est parti pour un trajet de 10 km, dont 9km souterrains !
Tant de Bruxellois ignorent qu’une rivière traverse leur ville, et plus rares encore sont ceux qui peuvent tracer son trajet. Avec cette balade insolite, nous voulons mettre la Senne en lumière et attirer l’attention, non seulement sur son existence, mais aussi sur la pollution qu’elle subit encore aujourd’hui. En effet, 10 millions de m3 d’eaux usées se déversent dans la Senne et le canal chaque année via les trop-pleins des égouts. Notre balade nous emmène d’abord dans un tunnel de 7km qui passe sous la Gare du Midi, dans le Musée des Égouts, sous la petite ceinture, le Parc Maximilien et le centre commercial Docks, en passant par le trop-plein Paruck (Sainctelette), un des plus gros déversoirs de Bruxelles. Ensuite, nous arrivons dans une salle à haut plafond – la cathédrale – avant de sortir à l’air libre pour la première fois. Notre petit groupe est directement salué par les oiseaux aquatiques avant de replonger dans l’obscurité d’un deuxième tunnel de 2km, au pied de l’incinérateur. Celui-ci passe sous le Port de Bruxelles. Finalement, nous émergeons une nouvelle fois à l’air libre, avec un pincement au cœur car cela signifie déjà la fin du voyage.

Curieusement, l’expérience s’est révélé plutôt relaxante. Il fait calme dans les tunnels, seuls les sons étouffés du trafic au-dessus de nos têtes nous parviennent. Il n’y a pas de forte odeur d’égout, hormis au niveau des déversoirs, et nous ne rencontrons pas de rats – mais bien des crabes chinois ! C’est un fameux changement pour Xavier Van der Stappen, notre invité spécial, qui a tenté la même expérience il y a exactement 35 ans, en 1987 pour l’Année de l’Environnement. Il a essayé de descendre avec son canoë dans le tunnel de la Senne en rappel via une taque, sans succès. C’était un acte de réelle bravoure étant donné qu’à l’époque, la Senne était l’égout principal de Bruxelles, tout simplement. Il a fallu attendre encore 20 ans pour que les eaux usées de la ville soient traitées avec la construction de la deuxième et plus grande station d’épuration en 2007. Il relate son expérience dans un livre et nous partageons l’extrait avec vous en fin d’article.

Mais, si la Senne est bien redevenue une rivière, le travail est loin d’être fini. Les traces de pollution sont clairement visibles, avec quantité de déchets, papier toilette, lingettes accrochés aux plantes et aux berges des tronçons à l’air libre. Et ce n’est pas la pointe de l’iceberg. Aurons-nous droit au même triste spectacle dans le Parc Maximilien ? La Senne ne pourra jamais être complètement saine si nous continuons à y déverser nos eaux usées. Cependant, les autorités de la ville ne semble pas disposées à faire preuve d’ambition pour solutionner ce problème environnemental dans un futur proche. Pourtant, d’ici 2027, tous les cours d’eau d’Europe doivent avoir atteint un bon état chimique et biologique conformément à la directive-cadre européenne sur l’eau. Bruxelles doit passer à la vitesse supérieur !

Extrait du livre de Xavier Van der Stappen "L'Afrique Noire du Fleuve Niger: le Dioliba en Canoë"

Des journalistes de la VRT et de RTL n’ont pas hésité à se tremper les gambettes pour immortaliser cette sortie kayak exceptionnelle. Les autres media ont aussi sauté sur l’occasion et voici le résultat :